Nouvelle orthographe : simplifier l’orthographe, c’est compliqué (…er ?)
18 mars 2013 - Actualités et opinions sur l'orthographeAvec la nouvelle orthographe, on simplifie ! Mais si, si, si, on simplifie, puisqu’on vous le dit !
Tous en chœur : vive la nouvelle orthographe, les nouvelles règles orthographiques, toutes neuves, toutes pimpantes, bien adaptées à l’époque, dépoussiérées des difficultés hors d’âge, voire des incongruités !
Ouf ? Et bien non !
Ce souci généreux de simplification de l’orthographe se traduit par de la complexification, de l’hésitation, des questions, bref, par un beau bazar !
Pourquoi ? Parce que la « nouvelle orthographe » est seulement « recommandée » (par l’Académie française, quand même !) !
Autrement dit, vous faites comme vous voulez, et, du coup, dans tous les cas concernés, vous vous retrouvez avec deux règles au lieu d’une ! C’est plus simple, bien sûr !
Attention, la partie qui suit est orthographiquement et mentalement dangereuse !
Dangereuse, évidemment, puisqu’il s’agit de l’exposé des « nouvelles règles » de la « nouvelle orthographe ».
Et, compte tenu de ce qui précède, si vous avez le malheur de les lire, c’est cuit : vos neurones affolés s’égarant complètement entre les règles que l’on vous apprend depuis l’enfance, et les nouvelles qui surgissent, vous ne saurez plus jamais comment tout cela s’écrit !
Alors, bon, on vous aura prévenus… Voici la liste (simplifiée !), à vos risques et périls…
(On vous a ajouté quand même quelques sourires et commentaires ironico-acides, juste pour respirer un peu !)
1 Les numéros composés sont toujours, maintenant, reliés par des traits d’union. Exemples : trente-et-un, deux-cents. Hum… Pourquoi pas…
(ancienne orthographe : trente et un, deux cents).
2 Dans les noms composés de la forme verbe + nom (pèse-personne) ou préposition + nom (sans-abri), le second élément prend la marque du pluriel seulement et toujours lorsque le mot est au pluriel. Ex : un compte-goutte, des compte-gouttes (avant : un compte-gouttes, des compte-gouttes); un après-midi, des après-midis (un après-midi, des après-midi).
heu… c’est vrai, après tout, que le « compte-goutte » peut ne compter qu’une seule goutte.
Mais alors, peut-on vraiment la compter, cette goutte unique ? Sans doute, puisqu’il est possible de dire « du lait, dans mon café ? Oui, merci, mais juste une goutte ! », ce qui veut dire, d’ailleurs, « un peu de lait », soit, à l’évidence, bien plus qu’une seule goutte !
C’est de l’orthographe métaphysique, ce truc !
3 On emploie l’accent grave (au lieu de l’accent aigu) dans un certain nombre de mots, ainsi qu’au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent comme « céder ». Ex : évènement, règlementaire, ils règleraient (avant : événement, réglementaire, ils régleraient).
Ne portons pas l’accent sur le fait que c’est grave !
4 L’accent circonflexe disparaît sur le i et le u, mais on le maintient dans les terminaisons verbales du passé simple, du subjonctif et en cas d’homonymie. Ex : cout; entrainer (avant : coût, entraîner).
« Il a disparu par ici, il est maintenu par là… il court, il court, l’accent circonflexe… »
Et vous, vous n’avez pas fini de courir, de cime en abime !
5 Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent comme peler ou acheter. Les dérivés en -ment suivent les verbes correspondants. Exceptions : appeler, jeter et leurs composés. Ex : j’amoncèle, amoncèlement (avant : j’amoncelle, amoncellement).
A/ Encore faut-il savoir comment se conjuguent peler et acheter…
B/ Sachant que toute règle a son exception, et les nouvelles comme les anciennes, « appeler », et « jeter » font exceptions à la nouvelle règle !
Les mystères des neurones académiciens sont insondables !
6 Les mots empruntés aux langues étrangères forment leur pluriel comme les mots français et sont accentués conformément aux règles qui s’appliquent aux mots français. Ex : des matchs, des révolvers.
C’est beau et généreux, cette approche orthographique de l’intégration des étrangers !
Mais de là à parler d’intégration réussie…
7 La soudure s’impose, en particulier, dans les mots composés de contr(e)-, entr(e)-, extra-, infra-, intra-, ultra-, avec des éléments savants (hydro-, socio-, agro-…) mais aussi dans les onomatopées et dans les mots d’origine étrangère. Ex : entretemps, tictac, weekend (avant : entre-temps, tic-tac, week-end).
Entre deux « temps », il y a bien « entre », qui désigne bien un intervalle, et il y a bien un espace de temps entre le « tic » et le »tac » de la pendule (sinon ce serait une mitrailleuse… Mais, à bien y réfléchir, la pendule tue aussi très bien… Alors… on écrit tic-tac, tictac, ou tacatacatac ?).
Quant au week-end, on comprend bien qu’il indique la end, pardon, la fin, de la week…heu…de la semaine, c’est à dire une happy end ! Bon alors, passons pour weekend, au nom, encore, de l’intégration réussie des mots étrangers, même si l’on perd le sens au passage. Mais pour les autres ?
On compresse l’espace temporel ?
8 Les mots en -olle et les verbes en -otter (et leurs dérivés) s’écrivent respectivement -ole et -oter. Exceptions : colle, folle, molle et les mots de la même famille qu’un nom en -otte (comme botter, de botte). Ex : corole, frisoter (avant : corolle, frisotter).
Comme toute règle a son exception, et les nouvelles comme les anciennes (voir plus haut !)… vous mettez le tout dans une cocotte, vous mixez, vous laissez mijoter… et vous obtenez une excellente bouillie pour les chats !
La nouvelle orthographe, c’est un peu comme la nouvelle cuisine : c’est beau, mais ça n’a pas de goût !
9 Pour montrer la prononciation du u, le tréma est déplacé sur la lettre u dans les mots comportant -guë- et -guï – et ajouté à la lettre u sur les mots en -geure ainsi qu’avec le verbe arguer. Ex : aigüe, ambigüe, ambigüité, argüer (avant : aiguë, ambiguë, ambiguïté, arguer).
C’est sans ambiguïté ! Allez, buvons gaiement la cigûe… cigüe… cigue… ne cherchez pas : vous êtes déjà mort !
10 Comme celui de faire, le participe passé de laisser suivi d’un infinitif est invariable.
ancienne orthographe |
nouvelle orthographe |
elle s’est laissée maigrir je les ai laissés partir |
elle s’est laissé maigrir je les ai laissé partir |
Tous ces « laissé » qui n’ont plus, ni nombre, ni sexe, sont un peu lassants, quand même !
Bon, ça va, c’est limpide ? L’aspirine ? Deuxième tiroir à gauche dans la cuisine…!
Normalement, on devrait dire « tout nouveau, tout beau », à propos de la nouvelle orthographe, mais bon…